- HISTOCOMPATIBILITÉ ET SYSTÈME HLA
- HISTOCOMPATIBILITÉ ET SYSTÈME HLAOn sait que le patrimoine génétique humain est porté par un ensemble de vingt-trois paires de chromosomes sur lesquels existent quelques milliers de gènes. Chacun d’eux est situé à un emplacement défini ou locus. Un locus peut être occupé par un gène invariable, quant à sa structure, dont le produit est le même chez tous les hommes. En revanche, très souvent, le gène présentera des variantes (ou allèles), lesquelles entraîneront des modifications au niveau du produit issu de ce gène; cette caractéristique permettra de distinguer des «groupes» d’individus possédant l’une de ces variantes. Un tel gène de type polymorphe constitue à lui seul un système génétique. Chacun de nous ayant reçu deux patrimoines de vingt-trois chromosomes, l’un paternel et l’autre maternel, il pourra être, pour un caractère donné, homozygote s’il a reçu deux gènes identiques, ou hétérozygote dans le cas contraire.La notion de système a été étendue à un ensemble de gènes étroitement liés, c’est-à-dire très proches les uns des autres sur le même chromosome. C’est le cas du système HLA (human leucocyte antigen ) porté par le petit bras de la sixième paire de chromosomes (6 p 21.3). Au départ, ce système semblait être constitué de deux loci, HLA-A et HLA-B, mais il s’est avéré par la suite comme étant beaucoup plus complexe, comportant en fait plusieurs gènes polymorphes de fonctions diverses. C’est pourquoi on a tendance, à l’heure actuelle, à parler de «complexe HLA» plutôt que de système HLA. Il code pour trois types de protéines, dites des classes I, II et III (fig. 1).Il apparaît de plus en plus que ce complexe présente une importance fondamentale en biologie, puisqu’il entre en jeu dans la réponse immunitaire. C’est-à-dire qu’il joue un rôle capital en réponse à toute agression microbienne, virale ou parasitaire. Mais les gènes de classe I et de classe II se différencient des autres gènes impliqués dans cette réponse – par exemple ceux des immunoglobulines ou des récepteurs aux antigènes des lymphocytes T (TcR) – par leur nombre et la variété des différents allèles possibles, donc par leur polymorphisme, au niveau de chaque locus. De cette combinatoire, le complexe HLA tire sa remarquable diversité.Ces gènes se trouvent dans trois régions étroitement liées sur le petit bras du chromosome humain 6; au moins six gènes, sur plus de vingt qui existent dans la région, sont responsables d’un très grand polymorphisme. Chaque individu, ayant reçu de ses deux parents une des variantes de ces gènes, est porteur d’une combinaison d’au moins douze allèles (six paternels et six maternels) ou haplotypes. Le nombre des combinaisons possibles de ces douze caractères, ou plus, s’élève déjà à plusieurs milliards, faisant de la formule HLA de chacun une véritable carte d’identité. C’est à partir de cette carte que notre système immunitaire peut reconnaître le soi du non-soi et réagir d’une façon appropriée. En même temps, les molécules des classes I et II sont le reflet, à sa surface, de l’intérieur de la cellule. Cela permet un bon fonctionnement cellulaire, même moléculaire, et garantit l’absence de parasites, de virus ou de micro-organismes.Dans la même région du chromosome 6 se trouvent encore des gènes qui gouvernent certains facteurs solubles impliqués dans la réponse immunitaire, comme le complément, TNF, TAP et autres facteurs qui restent à caractériser. En outre, un nombre croissant de maladies se trouve associé directement à certains variants (haplotypes) du complexe HLA ou des gènes voisins.Donc, sur le plan pratique comme sur le plan fondamental, les études du complexe HLA apportent de nouvelles connaissances, en particulier en transplantation, en médecine préventive, voire prédictive, et en thérapeutique. Les résultats de ces études assurent une survie à long terme des organes et cellules greffées, le dépistage de la population à risque pour plusieurs maladies héréditaires et la guérison éventuelle de ces maladies par thérapie génique.Le complexe HLA a constitué le premier modèle génétique important décrit chez l’homme, et son étude a engendré, parallèlement, un phénomène jusqu’alors sans précédent: l’établissement de workshops internationaux. C’est en partie grâce à ces ateliers de travail que la communauté scientifique internationale a pu échanger, critiquer, décrypter les informations présentées lors de ces rencontres périodiques, intégrer et réactualiser sans cesse cette accumulation de données en un ensemble cohérent.À chaque session, le workshop choisit un sujet (par exemple la diversité, succédant à l’étude des marqueurs de polymorphisme en PCR ou RFLP). Tous les participants contribuent et échangent leurs réactifs (par exemple sérums, amorces pour PCR, etc.). Le travail est divisé en trois grandes catégories (HLA et populations, HLA et maladies, HLA et greffes) et sous-divisé par «sociétés». Chaque société intègre toutes les données pour un antigène HLA, par exemple DR3, et les réactualise dans chaque catégorie. Donc un participant qui travaille sur le diabète va tester tous ses diabétiques (ou familles) avec les mêmes réactifs qu’un autre participant qui travaille avec les populations (par exemple Druse). Les sociétés choisissent les réactifs, et un service centralisé effectue leur distribution et la réception des données.Ainsi, l’esprit workshop a énormément contribué à la progression rapide des efforts dans ce domaine. En effet, aucun groupe ou laboratoire ne pouvait à lui seul prétendre gérer les informations provenant de ses découvertes, éviter de dupliquer inutilement ses efforts et communiquer rapidement ses résultats. Il fallait, sans décourager l’innovation technique ou expérimentale de chacun, coordonner la progression des différents projets, ne serait-ce que pour respecter des références communes et standardiser, d’une certaine manière, les résultats obtenus sur les familles étudiées. La résolution de ces difficultés témoigne de l’efficacité de ces rencontres – Workshops HLA – et justifie pleinement le choix d’un tel système de communications pour le projet d’étude du génome humain dont on pourra évaluer l’ampleur dans l’article HOMME - Génome humain.1. Fonctions des classes I et II du complexe HLALe point de départ provient de l’observation suivante: les leucocytes d’un sujet peuvent être soit agglutinés par le sérum (anticorps) d’un receveur, soit réagir avec – et/ou faire réagir (c’est-à-dire proliférer et/ou faire proliférer in vitro après co-incubation et culture) – les leucocytes du receveur, dits incompatibles. Les déterminants spécifiques de cette réaction d’incompatibilité sont des structures protéiques codées par les loci des classes I et II du complexe HLA.Classe ILes gènes des loci A, B et C produisent des protéines ubiquitaires (cf. infra, Structure ), présentes à la surface de la quasi-totalité des cellules nucléées, protéines que l’on nomme antigènes de transplantation pour indiquer le rôle qu’elles détiennent dans le rejet des greffes. Les protéines produites par les loci E, F, G et H sont semblables, mais elles sont moins polymorphes, ne sont pas ubiquitaires et n’apparaissent qu’à la surface de cellules particulières, comme les cellules hépatiques et rénales. Elles sont détectables, en cas d’incompatibilité, soit par réaction sérique, soit par réaction lymphocytotoxique. Un sérum réactif agglutinera les leucocytes qui possèdent les antigènes A, B ou C du sous-type correspondant, l’allotype. Un tel sérum proviendrait par exemple d’un individu immunisé: une femme multipare sera immunisée à la suite de gestations d’enfants possédant les antigènes A, B ou C, différents de ceux de la mère. La réaction lymphocytotoxique interviendra quand les leucocytes cibles seront mélangés à un sérum réactif, ce qui entraînera la mort des lymphocytes porteurs de l’antigène sensibilisant.Classe IICodée par les gènes DR, DP et DQ, ces protéines sont seulement présentes à la surface de certains types cellulaires, surtout les macrophages, les lymphocytes B et une minorité de lymphocytes T, les TH2 (cf. infra ). Leur existence a été démontrée par une réaction entre lymphocytes, dite cellulaire. Bien que les antigènes de classe II puissent produire une réaction sérique, les anticorps restent difficilement détectables. En revanche, comme la réaction sérique, la réaction cellulaire provoquée par les antigènes HLA de classe I peut être très forte.Le rôle des protéines de classe I et de classe II est double. Il consiste d’abord à distinguer le soi du non-soi, puis à vérifier le bon déroulement des événements à l’intérieur de la cellule (cf. infra ). En fait, ces deux fonctions sont le reflet d’une même réalité: la synthèse, l’assemblage et la conformation en structure tridimensionnelle des molécules HLA de classe I et de classe II leur permet de présenter des peptides potentiellement antigéniques aux cellules T helper du système immunitaire.Soi et non-soiL’ensemble HLA-peptide antigénique est reconnu par le système immunitaire. Cependant, si le peptide était déjà présent durant la maturation de la cellule T (ce qui se produit habituellement dans le thymus), le clone cellulaire correspondant sera éliminé et aucune cellule T ne sera capable d’induire une réponse immunitaire. Ainsi, le répertoire de cellules T correspondant au soi est éliminé. Toute autre combinaison peptide-HLA subsistera dans les répertoires T et sera considérée comme non-soi.Déséquilibres intracellulairesC’est l’ajustement précis de la discrimination soi/non-soi qui fait de ce mécanisme un contrôle excellent du milieu intracellulaire. Non seulement la nature, mais aussi la diversité et la densité des différents peptides représentés par les molécules des classes I et II à la surface cellulaire peuvent varier et initier la réponse immunitaire. Ainsi, toute perturbation du milieu intracellulaire conduira à des variations qualitatives et/ou quantitatives à la présentation des peptides à la surface de la cellule, par les molécules HLA.2. Organisation du complexe HLALa figure 1 montre que le complexe HLA occupe chez l’homme quatre mégabases sur le chromosome 6p. Les gènes correspondant aux molécules de classe I occupent une mégabase dans la région la plus proche du télomère. Les molécules de classe II sont codées par des gènes qui s’étalent sur deux mégabases dans la région centromérique. Entre ces deux domaines se trouve une zone que l’on a appelée région de classe III, dont les gènes codent pour des fonctions diverses. L’organisation des gènes de classes I et II correspond à la structure des protéines correspondantes (fig. 2).Classes I et IIChaque molécule de classe I d’un poids moléculaire de 46 kilodaltons est constituée à sa partie NH2 terminale d’une chaîne avec trois sous-régions extracellulaires , appelées domaines comportant chacun environ quatre-vingt-dix acides aminés (chaque domaine étant, codé par un exon) et présentant de fortes homologies avec les parties constantes des immunoglobulines. Une région transmembranaire (codée par un exon), et une région cytoplasmique (codée par trois exons) aboutissant à l’extrémité COOH terminale complètent la molécule HLA de classe I. Les molécules de classe I sont associées à une petite chaîne de 12 kilodaltons, constante, la 廓2-microglobuline (fig. 2 a). Les domaines 見1 et 見2 (codés respectivement par les exons 2 et 3) sont liés aux peptides antigéniques et forment la région dite PBR, c’est-à-dire peptide binding region , tandis que 見3 se lie à une molécule de surface, CD8, du lymphocyte cytotoxique Tc.Les molécules de classe II sont constituées chacune de deux chaînes: une chaîne 見 et une chaîne 廓, formées elles-mêmes de deux domaines 見1, 見2 et 廓1 et 廓2 (fig; 2 b). Les domaines 見1 et 廓1 (codé par les exons 2 pour chacune des chaînes) sont liés aux peptides antigéniques.La région des gènes de classe II ne produit pas seulement les molécules HLA II: l’expression de certains loci (TAP, LMP) génère des produits auxiliaires (le produit de TAP facilite la liaison antigène-molécule HLA classe I, et une activité protéase provient de LMP).Classe IIIC’est dans ce locus (fig. 1) que sont codés les facteurs du complément (C2, B, C4A, C4B) et du TNF, tous solubles, qui fonctionnent d’une manière non spécifique pendant la réponse immunitaire. Il semble que certains de leurs produits, par exemple TNF, s’accumulent à la jonction entre lymphocytes B et T pour effectuer l’activation de la réponse immune. Les protéines du complément sont des protéases qui travaillent de façon séquentielle (dite en cascade) pour effectuer la cytolyse en présence de certaines immunoglobulines.3. Structure tridimensionnelle et rôle d’une molécule HLA de classe I ou de classe II dans l’activation de la réponse immunitaireLe mécanisme par lequel le complexe d’histocompatibilité intervient dans la réponse immunitaire ne pouvait être défini avant que la structure tridimensionnelle de ses molécules ne fût résolue. Cette résolution a permis de mettre en évidence l’existence d’une poche (PBR) au sein de laquelle les peptides à caractère antigénique pourront être intimement associés (fig. 3).Classe ILes parties extracellulaires des molécules de classe 1 sont organisées, comme on l’a signalé plus haut, en trois domaines formant une poche ou cavité dans laquelle se logent les peptides (fig. 3). Cette cavité presque fermée (contrairement aux molécules de classe II) ne peut fixer que des peptides de huit à dix aminoacides (dits résidus) de longueur. En premier lieu, cette association se réalise dans la cellule qui élabore la molécule HLA, lorsque celle-ci atteint le réticulum endoplasmique, reflétant ainsi les constituants chimiques présents dans ce compartiment – principalement des produits de dégradation cellulaire et des peptides provenant de virus ou de parasites.Lorsque, comme le montre la figure 4 a, le peptide antigénique est présent à la surface des lymphocytes TH1, il est reconnu par les lymphocytes Tc. Ceux-ci pourront alors détruire éventuellement n’importe quelle cellule (infectée par exemple par un virus ou en parasite) présentant la même combinaison peptide-HLA.Les cavités de toutes les molécules HLA de classe I étudiées jusqu’ici possèdent toute une série de sous-cavités correspondant à chacun des résidus peptidiques, le deuxième et le dernier acide aminé de ces peptides, «points d’ancrage», étant les plus étroitement liés et les plus hautement spécifiques. Habituellement, un acide aminé basique comme l’arginine correspond au deuxième et la leucine/isoleucine au dernier.Classe IILa partie extracellulaire de chacune des molécules de classe II est organisée en deux domaines (quatre au total), comme ceux des immunoglobulines, et deux d’entre eux se combinent pour former l’intérieur de la cavité qui fixe le peptide. Cette cavité est ouverte, permettant ainsi la fixation de peptides de douze à vingt résidus de longueur (dans certaines conditions, on a montré que des protéines entières peuvent être logées). D’abord, l’évidence expérimentale suggère que la fixation a lieu lorsque la molécule HLA est produite et excrétée dans le cytoplasme (les molécules de classe II suivent cette voie d’expression et ne traversent pas le réticulum endoplasmique, contrairement aux molécules de classe I), traduisant ainsi la présence de constituants chimiques dans ce compartiment cellulaire, qui contient les produits de dégradation importés par endocytose, dans le sous-ensemble de cellules présentant les molécules de classe II. Puisque ce sous-ensemble comprend les cellules B avec les molécules immunoglobulines spécifiques qu’elles produisent, on s’attend à ce qu’elles aient intégré et concentré par endocytose les peptides provenant de l’antigène reconnu par ces immunoglobulines. Ensuite, comme le montre la figure 4 b, ces peptides antigéniques étant reconnus par le récepteur TcR des lymphocytes TH1 (lorsque des co-facteurs appropriés sont présents), ceux-ci se trouvent activés. Ils reconnaissent à leur tour la même combinaison sur les cellules B qu’ils activent pour qu’elles produisent des anticorps appropriés. Ajoutons que la cavité de classe II est non seulement ouverte, mais accepte aussi une sélection de peptides beaucoup moins restreinte, compte tenu de l’absence de points d’ancrage à l’intérieur de cette cavité.4. Conséquences pour la transplantation et la médecine préventiveLes perspectives ouvertes par la découverte du complexe HLA sont considérables. Celles-ci portent aussi bien sur les sciences fondamentales que sur les sciences appliquées.En génétique formelleLe complexe HLA a été un des premiers segments du génome humain étudié avec autant de précision. À présent, une carte physique complète existe pour les quatre mégabases de la région. À l’heure actuelle, plusieurs équipes identifient à partir de la région HLA toutes les séquences exprimées; un segment de 90 kilobases a déjà été séquencé, et cette région sert à mettre au point de nouvelles méthodes de séquençage à grande échelle. Une concentration accrue de séquences répétitives, type ALU, rend le travail difficile mais justifie le choix de la région HLA comme témoin pour la mise au point de méthodes génétiques et moléculaires sur le génome. Les séquences ALU, d’une longueur de 350 paires de basses, font partie des SINES (short interspersed repeat elements ). Comme elles sont plutôt riches en G-C (58 p. 100), elles sont fréquentes au niveau des bandes R des chromosomes où se trouve la majorité des séquences exprimées. Il y a plusieurs types (sous-familles) de séquences ALU, designés j , p , q , s , et w ; toutes les séquences ALU partagent un même motif de séquence, bien que chaque sous-famille puisse être distinguée par la présence d’une série de bases spécifiques.Reconstitution de l’évolution humaineMême si les systèmes d’histocompatibilité ont été en grande partie remplacés par la panoplie des systèmes polymorphes disponibles sur le génome pour l’identification de paternité (médecine légale), ils demeurent les gènes les plus utilisés pour l’étude des migrations des espèces, humaine et autres. La stabilité relative des complexes d’histocompatibilité pendant l’évolution fait d’eux des marqueurs de choix pour l’étude de la biologie des populations. En effet, il existe les microsatellites, minisatellites et RFLP (restriction length polymorphism ) qui permettent de suivre non seulement les migrations des populations, mais aussi de suivre l’évolution de telle ou telle sous-région chromosomique.Une analyse détaillée des mutations dans les régions codant les molécules de classe I et de classe II laisse supposer que, bien que très polymorphe, la région HLA n’est pas soumise à un taux de mutation très élevé. Au contraire, les mutations même silencieuses sont rares. Cette conclusion est confirmée par l’étude des séquences de type ALU (répétitions) dans la région de classe III qui montre que ces motifs appartiennent plutôt aux familles ALU les plus anciennes, c’est-à-dire aux séquences ALU stables qui n’évoluent plus (ALU type j ).En transplantationLe rôle des antigènes HLA et H-2 (souris) en transplantation et survie des greffes a été la première observation, c’est pourquoi ils sont appelés couramment antigènes de transplantation. Par greffe de peau il a été démontré que le destin du greffon est fonction essentiellement de la compatibilité de deux systèmes: le système ABO (groupes sanguins) et le système HLA. Ces notions ont été rapidement utilisées en greffes d’organes, et en particulier dans les transplantations rénales. Mais le polymorphisme extrême du système HLA et l’impossibilité de stocker ou même d’obtenir en nombre suffisant des organes ont rendu nécessaire l’établissement d’organismes d’échanges d’organes (tels que France-Transplant, Euro-Transplant, Scandia-Transplant... – il existe en tout dix organismes spécialisés en Europe). Une liste de malades en attente de transplantation est constituée par chaque organisme (un service européen sera prochainement créé) avec tous les paramètres cliniques stockés dans un ordinateur central. Lorsqu’un donneur se présente, la liste est interrogée, et en cas d’identité ou de ressemblance, dite appariement, détectée par l’ordinateur, un test de crossmatch est effectué in vitro – on mélange le sérum du receveur (anticorps) avec les cellules du donneur (antigènes) et on détecte une réaction –, et les receveurs non réactifs peuvent recevoir le greffon disponible.Rein . Le prélèvement, le transport et la greffe doivent être effectués dans un temps n’excédant pas quarante-huit heures. Grâce à une organisation stricte cela est réalisé quotidiennement. Jusqu’à ce jour, plus de cent cinquante mille transplantations rénales ont été ainsi pratiquées dans le monde (30 000 en France, en moyenne deux par jour). La figure 5 montre que les greffes HLA compatibles qui ont réussi depuis plus de quatre ans représentent 80 p. 100 des cas, contre moins de 50 p. 100 pour les greffes incompatibles. La disponibilité des services de dialyse constitue une aide précieuse pour le maintien des patients en attente d’un donneur compatible.Moelle . La greffe de moelle présente des difficultés particulières. Les cellules injectées sont capables de développer contre le receveur une réponse immunitaire (à l’inverse des cellules rénales qui en sont incapables). Il faut donc une compatibilité bilatérale, c’est-à-dire une identité pour éviter d’une part le rejet et d’autre part la réaction du greffon contre l’hôte. En l’absence de vrais jumeaux, il faut chercher dans la famille (frères, sœurs ou même les parents si les couples sont des cousins germains) et dans la population générale pour les individus histocompatibles. Les molécules d’ADN du donneur et du receveur sont amplifiées dans la région HLA par PCR, et les produits sont mélangés, dénaturés et réhybridés. S’ils sont identiques, ils migrent en électrophorèse comme une espèce unique, autrement dit les bandes sont claires et nettes. Les produits différents forment des hétéroduplex et migrent bizarrement. C’est la technique du cross-matching génétique.La greffe de moelle trouve actuellement sa meilleure indication dans l’aplasie médullaire, certaines leucémies et la reconstitution d’autres déficiences hématologiques acquises ou héritées. Plus récemment, les cellules souches de moelle ont été «corrigées» génétiquement et réimplantées avec succès pour remplacer une copie défective du gène ADA (adénine déaminase) chez deux enfants français et six enfants américains. L’autogreffe des cellules souches ainsi corrigées promet beaucoup pour la thérapie génique d’ici à l’an 2000.Cœur ou cœur plus poumon . La greffe de cœur est devenue une intervention chirurgicale de routine. Les contraintes au niveau du temps sont plus strictes (moins de 4 à 6 h) que pour les greffes rénales. La compatibilité ABO reste une nécessité, et de plus les études rétroactives indiquent l’importance des molécules HLA de classes I et II. Les exigences de rapidité demandent un vrai tour de force pour que ces greffes soient des réussites.Foie . On a huit à neuf heures pour greffer un foie. Bien que la compatibilité ABO reste importante, le rôle du complexe HLA demeure un sujet à controverses, et il semble dépendre de la maladie. Les scléroses auto-immunes seraient peut-être mieux soignées par une greffe incompatible, mais aucune étude complète n’a été conduite jusqu’à présent. Un foie est normalement divisé en deux et sert pour deux transplantations.Pancréas . Souvent combinées avec une greffe rénale, les greffes de pancréas peuvent soigner certains diabètes insulino-dépendants. On insiste sur une identité ABO, mais il est difficile d’évaluer l’importance du complexe HLA. Il faut distinguer une rechute de la réponse auto-immune focalisée sur les îlots 廓 (de Langerhans), d’un rejet de greffe avec une infiltration lymphocytaire généralisée.Tissus . Il s’agit des greffes de peau (pour les grands brûlés), de cornée et de valves (en cas d’insuffisance cardiaque). Les remplacements de tissu peuvent ainsi sauver une vie.Des méthodes in vitro pour générer une surface suffisante de peau à partir de quelques millimètres carrés existent. En quelques mois, on peut couvrir un corps entier à l’aide d’une série de petits îlots de peau saine (sans poils). Mais les grandes brûlures nécessitent les soins d’urgence; de plus, un donneur ABO et HLA identique doit être utilisé.Souvent, le remplacement d’une valve cardiaque suffit en cas d’insuffisance plutôt qu’un cœur entier. Une valve peut être cryoconservée, mais a plus de chances de réussir si elle est compatible avec les tyes ABO et HLA du receveur. En matière de transfusion sanguine, le typage HLA est utile seulement dans le cas de transfusion des plaquettes.En médecine préventive et même prédictiveUne contribution importante à la médecine moderne a été l’association de nombreuses maladies avec des antigènes HLA (cf tableau). La spondylarthrite ankylosante est plus fréquente chez les hommes (que chez les femmes), surtout s’ils possèdent l’antigène B27 (augmentation du risque par un facteur de 600 environ). Pour les autres affections, l’association est moins étroite, et le risque n’est guère multiplié que par un facteur 2 à 8.Il est remarquable, en effet, de constater que la plupart des maladies auto-immunes sont associées avec certains haplotypes HLA; l’effet peut être autant protecteur que prédisposant. Pour le diabète insulino-dépendant, les haplotypes prédisposants et protecteurs sont associés aux changements spécifiques des acides aminés liés aux peptides dans le PBR d’une molécule d’HLA de classe II.Le fait que l’on puisse prévenir un risque à partir de la constitution génétique a encouragé la recherche des gènes responsables de plus de trois mille maladies héréditaires connues. Cela a donné naissance aux méthodes de liaison génétique et de clonage positionnel (ou génétique inverse). Même les familles recrutées pour les études de l’HLA servent maintenant comme étalon de référence pour les études de liaison. Une trentaine de gènes trouvés par ces études ouvrent les voies d’une vraie médecine préventive, même prédictive.Grâce aux méthodes plus fines, on trouve maintenant qu’une partie des maladies associées avec HLA est liée aux gènes voisins, voire à des gènes localisés ailleurs. L’hémochromatose idiopathique a son gène morbide localisé près du HLA-A, mais distinct. Le diabète insulino-dépendant s’associe à l’haplotype DR4 (du complexe HLA de classe II), préférentiellement en présence d’un allèle particulier présent entre INS (insuline) et IGF2 (insulin like growth factor II ) sur 19 kilobases de chromosome 11p.Ces découvertes ouvrent la porte à une nouvelle médecine préventive. Elles permettent de dépister dans la population les individus susceptibles de développer ou de porter telle ou telle maladie génétique et aussi de mettre en œuvre un traitement préventif, s’il existe, ou un traitement le plus précoce possible.
Encyclopédie Universelle. 2012.